vendredi 19 décembre 2014

N°VII - L’ÉCHO DE NOS MONTAGNES

DIX PETITS CONTES 
  
 


N°VII - L’ÉCHO DE NOS MONTAGNES



 J’ai trouvé une première brebis, les pattes arrière brisées, un peu plus loin une seconde dont on avait arraché les sabots, d’autres encore, disséminées, puis je suis tombé sur une hécatombe, ça et là des brebis gisaient, à toutes il manquait quelque chose, qui une tête, qui un cou, qui des yeux, qui une langue. Spectacle de désolation ! Soudain m’apparut un bœuf, affaissé sur ses genoux, on lui avait brisé les pattes avant, il semblait en prière. Pas loin de lui on avait déchiqueté un berger, on reconnaissait le bâton et sa veste de laine, mais sa tête avait éclaté, son bassin aussi et il n’avait plus qu’une seule main. Le massacre a empiré, je vis successivement une bonne femme en robe bleue, décapitée, dépassant d’un voile blanc, sa longue chevelure blonde se devinait sous la paille qui jonchait le sol, un âne, couché sur le flanc, débarrassé de son côté droit, les oreilles détachées, un type à barbe, à l’air con, coupé en deux, et un enfant sans jambes dont les bras brisés pendaient à l’extérieur d’un berceau. Quelque chose cheminait dans ma tête, une explication, des raisons de comprendre ce qui s’était passé, lorsqu’un type arriva dans mon dos en hurlant : vous l’avez vu, vous l’avez vu ? Qui ? Cet ivrogne qui passait, vous ne l’avez pas vu ? Il a emporté ma crèche de Noël, c’est lui qui a tout cassé, regardez, regardez, on le suit à la trace. Il s’appuya sur le mur et se mit à pleurer. Je ne trouvai rien de plus malin à lui dire que : Ce n’est que du vulgaire plâtre, remettez-vous, bon sang ! Les anges, dans nos campagnes, aux ailes froissées, m’ont regardé l’air mauvais.

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