lundi 6 février 2012

UN JAMBON BEURRE, UN


ANNONCE D’UNE FUTURE NOTE CIRCONSTANCIÉE, FOUILLÉE ET MULTIMONÉTAIRE AU SUJET DE LA DETTE SOUVERAINE
 

LA MESSE DE L’ATHÉE
 


 

La Messe de l’athée est insérée (dans l’ordre de La Comédie Humaine établi par Balzac lui-même) entre le Colonel Chabert et L’Interdiction qui, au sens romanesque du terme, sont deux récits plus intéressants, c’est pourquoi je risque de parler d’autre chose.
Avec cette courte nouvelle, Balzac relate la vie d’un nommé Desplein, chirurgien célèbre sous la restauration, qui est en fait la représentation littéraire du fameux Dupuytren, connu pour avoir donné son nom à une maladie (non pour l’avoir inoculé mais pour avoir tenté de la soigner) sclérosant les doigts de la main. Ce Dupuytren deviendra immensément riche, au point d’avoir versé, paraît-il, un million de francs à Charles X lors de son exil en Angleterre, comme ça, par pur attachement royaliste.
Avec une table de correspondance, on peut imaginer ce que représentait un million de francs en 1830. Tiens, armé de ma logique financière, je me lance, ça va être impressionnant. Je trouve par exemple, sur un tableau de l’Insee, cette équivalence : un franc 1910 valait 3,66381 euros, et comme un euro aujourd’hui vaut un euro, et que cet euro pèse à peu près 6 fr.54, des francs qui rappelons-le, n’existent plus, je continue quand même, le franc 1910 équivaudrait donc aujourd’hui à 3,66381 x 6,54, c’est à dire grosso modo, 23 fr 50, francs ayant bel et bien disparu, c’est un fait, mais qui pourraient pour raison de crise réapparaître un jour ou l’autre, donc méfions-nous, ne perdons pas l’habitude du franc, fonctionnons à la fois en francs et en euros, et même en anciens francs, d’où il résulte (je ne sais plus où j’en suis) que ce fameux million de francs donné à Charles X représenterait 23 millions de francs d’aujourd’hui mais comme ils n’ont provisoirement plus cours, il convient de les convertir en euros, ce qui reviendrait à une somme d’un peu moins de 4 millions d’euros (puisque les euros, eux, existent), en fait trois millions soixante six mille trois cent quatre vingt un euros (suis-je bête, j’avais l’équivalence au début, j’ai seulement cru que c’était plus simple de passer par les francs), beaucoup plus en fait puisqu’on parle ici de 1830, les lecteurs s’ils veulent se faire une idée n’ont qu’à multiplier par ce qui leur passe par la tête (par exemple un franc 1830 vaudrait aujourd’hui neuf ou dix euros, ou plus, pourquoi pas, puisqu’ils peuvent choisir la correspondance qu’ils veulent), ainsi chiffreront-ils les besoins de Charles X et se rendront-ils compte combien celui-ci se gobergeait après avoir quitté le pouvoir. Ou plutôt après qu'il en fut chassé à coups de pied dans le cul!
On comprendra aussi, en ce qui me concerne, pourquoi je n’ai cessé de m’appauvrir toute ma vie
Avec la même dextérité, je me propose d’analyser au sou près, dans une prochaine note détaillée, la dette souveraine de la France en euros, que j’exprimerai en francs 1830 (le fameux franc Dupuytren), puis en francs 1910 (le franc Poincaré on va dire), puis en nouveaux francs (les francs de Gaulle, un pléonasme), peut-être même en yens, en zlotys ou, pourquoi pas, en pesos mexicains et enfin en boutons de culottes puisque la crise aura passé sur tout ça.
Horace Bianchon, médecin aussi et héros récurrent de Balzac, voit un jour sortir de l’église St. Sulpice ce Desplein qui fait pourtant urbi et orbi déclaration d’athéisme. Bianchon s’enquiert d’en deviner les raisons. Ainsi a-t-on droit au récit de la jeunesse estudiantine de Desplein alias Dupuytren, jeunesse pauvre quasi misérable (on voit bien qu’on ne doit jamais désespérer, qui sait si moi-même un jour ne subventionnerais pas la Banque centrale européenne) qu’un humble bienfaiteur, bougnat porteur d’eau, a soutenu jusqu’à sa mort (la mort du bougnat, profondément croyant), d’où messe !
En introduction de sa nouvelle, Balzac nous compile une petite couche de trois ou quatre pages de considérations générales, sur la science, la morale, la religion, la politique, les sous, etc., c’est assez habituel chez lui, il ne peut pas s’en empêcher mais dans une nouvelle de quinze pages, ça fait comme un gros morceau de pain avec très peu de jambon.
Mais quand le jambon arrive, c’est du premier choix, Bayonne, Parme ou Jabugo, c’est du tout bon. Par l’art de Balzac, le Paris estudiantin, les rues, les maisons, les restaurants, les attelages, les hommes, les femmes paraissent se détacher comme dans ces livres d’enfants qui s’ouvrant forment des images en relief et le récit de cette jeunesse devient alors une parfaite tranche de vie.
Ces nouvelles, courtes, intercalées dans la Comédie humaine ont un double intérêt, elles offrent une respiration à Balzac et aussi au lecteur, tous les deux ont besoin de reprendre leur souffle entre les grands romans et elles permettent de faire apparaître, ou de préciser certains personnages que l’on va retrouver ultérieurement, me vient cette image d’un soldat de plomb, que l’on sort d’une vitrine du salon, dont on examine l’uniforme, la couleur du pantalon, la visière du képi, la grosseur du havresac, dont on se remémore les traits et les batailles qu’il a livrés et sur lequel on donne un coup de chiffon pour ôter la poussière avant de le réinsérer, à sa place précise, au sein de son bataillon où il va redevenir un rouage de l’œuvre multiple et immense.

J’ai commencé l’année par La Messe de l’athée, œuvre conçue, écrite et imprimée en une seule nuit, écrit le 18 janvier 1836 Balzac à Madame Hanska.
Quinze pages, en une nuit ! des pages de la Pléiade.

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