lundi 10 novembre 2014

DIX PETITS CONTES

DIX PETITS CONTES


N°III – SYMPHONIE INACHEVÉE
 


Il avait allumé son écran mental, ce que tout le monde fait dans ces circonstances et, tranquillement, il se mit à se masturber.
Les images défilaient, le narrateur lui-même n’ose pas s’avancer dans la forêt de cuisses, de fesses, de sexes qui circulaient devant l’auto masturbateur, franchement le type était content, il modulait son rythme, lorsque la scène était langoureuse, il allait « adagio », et lorsque ça bardait, « presto » et « allegretto ». La masturbation est une symphonie, se disait-il, je suis le compositeur de mon propre corps, mon archer tire de mes cordes des mélodies inoubliables, et je mène une sarabande endiablée sur la voluptueuse scène de mes fantasmes. Devant moi, sous mes mains, ma bouche et mon sexe, la grosse caisse s’envoie une paire de flûtistes, l’homme aux cymbales fait attention à ne pas se meurtrir les testicules d’un coup malheureux, les cuivres dans un grand tapage enfilent les contrebassistes, et le chef d’orchestre a posé sur sa tête la culotte de la violoncelliste.
Une jeune violoniste lui pinça les cordes tandis qu’il embouchait une trompettiste aux lèvres humides, et qu’il sodomisait fortement la cantatrice, échevelée et glapissante, il accéléra, le triangle égrenait ses sons clairs, les clarinettistes poussaient d’érotiques plaintes, et le pompier de service faisait savoir, en gémissant, que quelqu'un s’occupait de son derrière,  il en arrivait au finale lorsque l’on frappa à la porte de son bureau :
- Le repas est servi, chéri, si tu veux manger chaud, tu dois venir.
- Oh, attend, attend, je finis un truc.
Trop tard, sur les dernières notes audibles, la symphonie s’éteignit, la tension amoureuse se réduisit, l’art perdit son souffle, les filles en peignoir et négligé poisseux ayant jeté leur instrument, s’enfuyaient effarouchées, et des types gras et sentant mauvais complétaient la déliquescence du tableau qu’il venait tout juste de construire et qui s’évaporait.
Son esprit retrouva les piètres nécessités de la vie et sa soupe était à peine chaude.

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